Solidarité et développement

L’accès aux toilettes, enjeu mondial de développement.

Par • 10 Nov, 2008 • Catégorie: A la une

Pour réduire la pauvreté dans le monde et améliorer la santé des déshérités, la méthode la plus simple est de construire des toilettes. C’est la conclusion à laquelle est parvenu le Réseau international sur l’eau, l’environnement et la santé (Inweh), branche canadienne de l’Université des Nations unies. Dans un rapport rendu public le 20 octobre, ce groupe de réflexion recommande aux gouvernements une approche plus coordonnée et intégrée des questions d’approvisionnement en eau potable et d’accès à des sanitaires fonctionnels.

Les chiffres font frémir : environ 2,5 milliards de personnes – plus d’un tiers de l’humanité – utilisent des latrines qui n’offrent pas de garantie contre le développement de maladies liées aux matières fécales. Et 1,2 milliard n’ont d’autre ressource que de déféquer dans la nature, selon des données collectées par l’Organisation mondiale de la santé et l’Unicef. Ces personnes passent une demi-heure en moyenne chaque jour à faire la queue dans des installations publiques ou pour trouver un endroit isolé. Soit deux jours ouvrés par mois.

L’impact sanitaire est considérable. Les maladies diarrhéiques tuent 1,8 million de personnes chaque année. On estime que 88 % de ces affections ont pour origine un manque d’hygiène et d’accès à des sanitaires sûrs. Les enfants, dont 5 000 meurent chaque jour, paient le plus lourd tribut.

En Afrique subsaharienne, la moitié des lits d’hôpital sont occupés par des patients souffrant de maladies véhiculées par les matières fécales. Dans le monde, 200 millions de tonnes d’excréments humains finissent dans des rivières chaque année, contaminant les eaux de surface, voire les nappes phréatiques, avec leur lot de bactéries, virus et autres parasites.

Cet enjeu sanitaire figure rarement au premier plan de l’agenda international. « La question reste taboue, reconnaît Zafar Adeel, directeur de l’Inweh. Les politiques hésitent à aborder ces problèmes dans leurs discours. Ce n’est pas « poli ». » Les Nations unies ont surmonté cette aversion. 2008 a été déclarée année mondiale de l’assainissement. Et le développement des toilettes était l’un des objectifs du millénaire, définis en 2000 : diminuer par deux le nombre de personnes n’ayant pas accès à des sanitaires d’ici à 2015.

L’investissement a été chiffré. Il en coûterait au minimum 38 milliards de dollars. Mais pour 1 dollar dépensé, 9 dollars seraient réinjectés dans l’économie, sous forme de productivité accrue et d’état sanitaire amélioré. Selon des projections des Nations unies, l’objectif du millénaire se traduirait par quelque 3,2 milliards de jours travaillés en plus chaque année. Installer des toilettes à l’école, c’est aussi permettre à de nombreuses jeunes filles de poursuivre leurs études après leur puberté. Et 10 % de femmes en plus maîtrisant la lecture, c’est 0,3 % de croissance supplémentaire, fait valoir l’université des Nations unies.

Pour l’heure, si l’accès à l’eau potable progresse, « on est loin du compte » pour les sanitaires, constate Zafar Adeel. C’est la région d’Asie de l’Est et du Pacifique qui a le plus progressé, avec une couverture de la population passée de 30 % en 1990 à 51 % en 2004. Le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Amérique latine devraient remplir leur objectif. Mais l’Afrique et l’Asie du Sud, avec environ 37 % des besoins couverts, sont très en retard. Pour cibler les populations prioritaires, l’université des Nations unies veut développer un atlas, « disponible d’ici deux ou trois ans », estime M. Adeel.

Selon le chercheur, plusieurs « success stories » montrent cependant qu’« il y a de la place pour l’optimisme ». Il cite des expérimentations dans les bidonvilles du Kenya, où des toilettes publiques ont encouragé une économie locale. Ou encore Madagascar, où un ministère unique gère désormais cette question.

Ces enjeux d’assainissement ne sont pas réservés aux pays en développement. Au Canada, indique M. Adeel, « le service est probablement inadéquat » dans certaines zones « indigènes ». En Occident, « les systèmes de distribution d’eau sont souvent anciens. Seront-ils capables d’encaisser des événements climatiques extrêmes qui accompagneront le réchauffement de la planète ?, s’interroge-t-il. Il faut s’en soucier. Et le plus tôt sera le mieux. »

Hervé Morin

LE MONDE | 28.10.08 | 15h05 •Mis à jour le 28.10.08 | 15h05
Article paru dans l’édition du 29.10.08.

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